Interview de Laurence Cottet, Présidente France de Janvier Sobre

Quel a été votre parcours et quelle est la nature de votre engagement aujourd’hui ?

Mon parcours est celui d’une personne qui a connu la maladie alcoolique pendant quinze années. Un véritable enfer qui m’a fait tout perdre : ma famille, mes amis, mon travail, ma dignité de femme… Cette histoire malheureuse n’a rien d’exceptionnel car nous sommes des milliers de gens à connaître, un jour ou l’autre, un problème avec l’alcool. Mais j’ai cette chance de m’être rétablie après un protocole de soins de plusieurs années et d’être aujourd’hui, à l’aube de mes 60 ans, une femme heureuse et libérée de toute envie de consommer. Mon engagement est d’alerter sur ce fléau qu’est l’alcoolisme et de le faire de manière responsable et pédagogique. L’objectif de mes actions est de donner les informations à connaître par toute personne qui souhaite consommer de l’alcool, afin qu’elle reste toujours dans l’alcool-plaisir et ne tombe jamais dans l’alcool à risques.

Janvier sobre a fêté cette année son 3ème anniversaire. Pourriez-vous brièvement nous le présenter ?

« Janvier sobre » est une initiative citoyenne née le 4 janvier 2019, afin de permettre à tous les français de se poser la question de leur relation avec l’alcool.

Pourquoi Janvier ? Pourquoi « sobre » ?

Le mois de Janvier est le premier de l’année. Celui des bonnes résolutions que l’on prend pour bien démarrer et laisser derrière soi les dérives de l’année écoulée… et notamment des récentes fêtes parfois trop arrosées ! Dans ces promesses, les objectifs en matière de santé tiennent une place particulière : on va essayer de perdre du poids, de se remettre au sport, d’arrêter de fumer, de se relaxer, de manger moins de viande, de se mettre au « lundi vert », etc. Alors pourquoi ne pas inscrire, dans cette liste bienfaitrice, la résolution de baisser sa consommation d’alcool, voire de s’abstenir pendant un mois ?

L’adjectif Sobre est défini de cette façon  : « Qui mange ou boit avec modération et en particulier, qui boit peu de boissons alcoolisées1 ». Nous ne sommes donc pas dans l’interdit ! Il s’agit d’une proposition pour chacun de se positionner par rapport à l’alcool pendant un mois en se fixant son propre défi. Par exemple : ne pas consommer d’alcool pendant la semaine et un verre le week-end, ou pas d’alcool pendant un mois, ou pas d’alcool seul, juste avec des amis, etc.

En vous testant pendant tout le mois de janvier, vous serez capable de répondre à cette question : 

« Est-ce que je respecte les recommandations actuelles de Santé publique France, “pour votre santé, maximum deux verres par jour et pas tous les jours, en ne dépassant pas 10 verres d’alcool par semaine” » ? 2

Pourriez-vous s’il vous plaît en dresser le bilan et éventuellement présenter quelques perspectives en matière de prévention, notamment des jeunes ?

Partie de rien, ou plus exactement de « 3 bouts de ficelle » comme j’aime le dire, c’est essentiellement grâce aux réseaux sociaux et aux médias nationaux que cette action a rencontré un vif succès. 

Il reste encore beaucoup d’actions à mettre en place pour lutter contre les excès d’alcool. Surtout auprès des jeunes. Pour ces derniers, tout discours d’interdit est voué à l’échec. Cependant, aller à leur rencontre en leur proposant de réfléchir à ce qui les pousse à consommer de l’alcool, souvent de façon excessive, est une méthode constructive qui porte ses fruits. 

Les jeunes s’expriment sans tabou sur leur rapport avec l’alcool, il suffit de les écouter et de rebondir sur ce qu’ils expriment. Aborder les situations à risques, les moyens de moins consommer tout en se faisant plaisir, attirer leur attention sur l’effet de groupe souvent néfaste… : cela permet de libérer la parole et de créer une interactivité bénéfique. 

Je sais que certains organismes sont déjà engagés sur ce sujet. C’est le cas de la Fondation du BTP, qui a lancé en 2011 son opération de prévention « Premiers Combats » qui est destinée aux personnes âgées de 16 à 22 ans. Cette formation aborde les risques liés à la consommation excessive de produits psychoactifs : accidents de la route, relations sexuelles non protégées, dangers pour la santé… Elle a déjà permis de sensibiliser plusieurs milliers de jeunes, elle est très bien accueillie par eux d’ailleurs. 

En 2021, mon association France Janvier sobre va accompagner la Fondation du BTP pour intensifier son implication en termes de prévention sur le sujet des addictions :  les salariés en entreprise et les jeunes seront les principales cibles de nos interventions.

Les jeunes ont leurs propres codes de communication. A nous de nous adapter pour les faire réfléchir sur leur consommation d’alcool et rien de tel que le témoignage d’un ancien malade-alcoolique pour le faire.

[1] Définition du Larousse.
[2] Il s’agit des seuils à ne pas dépasser et aucunement à atteindre !